le mardi 12 février 2019 à 18h30 à Locu Teatrale.
Réservations au 04.95.10.72.03
1. Autour de la conférence
Avec Alexandre, on retrouve, à travers Philippe et Olympias, l’intelligence apollinienne et les exaltations dionysiaques. D’un côté Philippe, fondateur d’empire, netteté de la pensée, justesse du calcul, réflexion et prévoyance, souplesse caressante, énergie brutale, rapidité de décision, dédain du scrupule qui paralyse. De l’autre, Olympias, ardente princesse d’Épire, débordement sans frein de la sensibilité, fièvre surnaturelle, musique et danse, le mystère des choses, frénésie.
Alexandre oscille entre arétè et pothos, entre vertu politique et désir.
Il a le sens lumineux de l’action, la hantise de l’infini sur les traces de Dionysos. Il est à la fois prodigieux conquérant, stratège de génie et grand politique.
Alexandre a frappé implacablement l’Asie. L’empire des Achéménides s’est effondré. Il est l’héritier de la puissance qui traitait en esclaves des peuples innombrables. Ce sera une œuvre royale que de les associer, pour de savantes raisons politiques, et non par humanité, au nouvel empire dont il est le maître absolu. Le génie grec, limpide, mobile, achève, en harmonie, l’œuvre accomplie par les armes.
Mais l’œuvre le consume tout entier. Elle prend possession de lui et le pousse en avant comme une force de la nature.
Alexandre, dont la nature est excessive et la curiosité, insatiable, ne peut être limité par des bornes étroites. Kosmokrator, il se fait voyant et pense l’empire universel. Il est alors sous l’empire d’Olympias, qui connaît la fièvre et l’ivresse surnaturelles que procure, comme c’est le cas en Thessalie et en Thrace, la pratique de la musique et de la danse dans les rites dionysiaques. Cette ascendance influe sur la vie politique et guerrière d’Alexandre. Elle est une clé pour mieux approcher un personnage qui toujours nous échappe. Son tempérament est emporté et sanguinaire. Alexandre, en fait, par son amour du luxe excessif et du vin pur – ce qui est un signe d’hybris, de démesure –, est un mélancolique comme l’ont été, selon Aristote qui associe la mélancolie avec le génie, Empédocle, Socrate, Platon et Lysandre.
Alexandre est bien double, énigmatique. La nuit, près de lui, une édition de l’Iliade corrigée de la main d’Aristote. Mais, plus encore que l’Iliade et l’Odyssée, le véritable viatique du roi est l’étude de la philosophie et le souvenir des leçons données par Aristote sur l’intrépidité, le courage, la modération et la grandeur d’âme. Pour Plutarque, la véritable force d’Alexandre est la philosophie, comme le montre la comparaison qu’il fait d’Alexandre avec Socrate, Platon, Carnéade, Zénon. Alexandre est, selon Onésicrite, « le philosophe en armes ». Par l’union de la philosophie et du politique, il est le « plus grand des philosophes ». C’est parce qu’il est le disciple d’Aristote qu’il est victorieux à Gaugamèles…
Tout cela est dans le tableau de Rembrandt, Aristote contemplant un buste d’Homère. Le philosophe a la main droite posé sur la tête du « maître de toute poésie ». Sa main gauche caresse, avec une secrète élégance – comme pour faire signe – une chaîne dont l’or a l’éclat du feu et d’où pend un médaillon à l’effigie d’Alexandre le Grand, dans l’ombre, presque invisible. Ce qui est caché est souvent le plus important…
C’est ce tableau et son énigme qui nous guideront.
Alexandre est aussi un artiste.
Il est le plus grand des artistes : c’est le monde qu’il façonne…
2. À propos du livre
a. Alexandre le Grand, Le Philosophe en armes, paru aux éditions Ellipses dans la collection « Biographies & Mythes historiques », est un essai qui se fonde sur les sources grecques et latines nouvellement traduites par Anne Sokolowski, agrégée de lettres classiques.
b. Olivier Battistini est né à Sartène, en Corse. Il est Maître de conférences HDR en histoire grecque à l’Université de Corse, directeur du LABIANA et chercheur associé à l’ISTA, Université de Franche-Comté. Ses domaines de recherches sont la guerre et la philosophie politique, Thucydide et Alexandre le Grand. Il a publié : Les Présocratiques (en collaboration avec Yves Battistini) et Platon, République, livre I, tous deux chez Fernand Nathan, La Guerre, chez NiL (en collaboration avec Pascal Charvet et Anne-Marie Ozanam), Les Saisons de la loi, chez Klincksieck, « Études et commentaires », La Guerre du Péloponnèse. Thucydide d’Athènes, Ellipses, « Les Textes fondateurs », Alexandre le Grand, Histoire et Dictionnaire et Dictionnaire des lieux et pays mythiques, tous deux, en codirection, chez Robert Laffont, « Bouquins », L’Histoire grecque de Thucydide, Jean-Baptiste Gail, 1807, Pour saluer Plutarque, tous deux aux Éditions Clémentine, « Studia Humanitatis ».